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Expertises du CSE : "Les délais sont bien trop courts !"

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Claudine Vergnolle, du cabinet AUDICE
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Expert-comptable travaillant pour les CE, Claudine Vergnolle, du cabinet Audice Consultant, juge "beaucoup trop courts" les délais envisagés pour les expertises du comité social et économique (CSE), dont la plupart seraient cofinancées à hauteur de 20% par le comité. A ses yeux, les délais devraient être conditionnés à l'accès effectif de l'expert aux informations nécessaires, et notamment de celles de la base de données économiques et sociales (BDES). Interview.
Que pensez-vous de la procédure et des délais fixés dans le projet de décret du gouvernement concernant les expertises du CSE ?

Ce calendrier me semble tout simplement impossible à tenir dans la réalité, d'autant que cette nouvelle procédure me semble inclure la plupart des expertises ! Exiger par exemple que le rapport soit remis 15 jours avant l'expiration d'un délai de consultation, cela signifie, dans les faits, que l'expert-comptable n'aurait qu'un mois et demi dans le meilleur des cas, voire seulement un mois pour travailler ! Et je ne parle même pas ici du délai ramené à 8 jours (*)  lorsque le CSE recourt à l'expert dans le cas prévu au 1er alinéa de l'article L. 2315-92 (Ndlr : en cas d'opération de concentration). J'observe qu'aujourd'hui, dans certaines entreprises, le délai imparti pour l'expertise réalisée dans le cadre de la consultation sur les orientations stratégiques n'est pas toujours respecté, mais que cela ne pose pas de problème. On se demande s'il ne s'agit pas avant tout de rendre très difficile, notamment dans les PME, la réalisation d'expertises.

Quid du délai de 3 jours pour demander des informations à l'entreprise ?

Là aussi, cela me semble beaucoup trop court : cela voudrait dire que l'expert est déjà celui du CSE, qu'il a quasiment préparé sa lettre de mission et ses demandes d'information avant même d'avoir été désigné ! Je trouve que tout cela est très inquiétant, et je pense notamment aux représentants du personnel des PME. Des élus qui commencent à négocier le passage en CSE avec leur employeur m'ont déjà rapporté que leur direction leur proposait d'augmenter la subvention de l'employeur pour les activités sociales et culturelles du CSE en contrepartie d'un renoncement à certaines expertises. Certes, dans les grandes entreprises, là où les syndicats sont bien implantés, là où il y a déjà des moyens et des expertises, les choses pourraient continuer à se passer correctement. Mais dans le reste des entreprises, dans les PME ? Je m'attends à ce que les employeurs contestent de plus en plus le recours aux expertises, car l'ordonnance leur permettra de mettre en cause non seulement la délibération mais aussi le choix de l'expert ou l'étendue de la mission.

Que suggérez-vous ?

La commission CE du conseil supérieur de l'Ordre des experts-comptables va examiner tout cela et faire des propositions. Pour ma part, je constate, en tant qu'expert-comptable, que nous avons beaucoup de mal à accéder aux informations contenues dans la base de données économiques et sociales de l'entreprise (BDES). Par exemple, dans le cadre d'une mission portant sur la restructuration d'une entreprise de 2 000 salariés, j'ai dû passer la journée sur un poste de travail d'un salarié des ressources humaines pour pouvoir me connecter à la BDES de l'entreprise, mais sans pouvoir imprimer ou extraire des données ! Est-ce normal ? J'estime que les délais auxquels est soumis l'expert devraient donc être conditionnés à l'accès effectif aux informations nécessaires à la mission dont un accès direct et permanent à la BDES, et à la possibilité pour l'expert de traiter ces données. J'ajoute en outre que la logique des ordonnances est d'aller vers une centralisation des données économiques, ce qui pose aussi le problème de l'accès aux informations économiques au niveau des établissements.

Que pensez-vous du mécanisme envisagé dans l'ordonnance balai pour que l'employeur prenne en charge l'expertise lorsque le CSE n'a plus de ressources ?

Va-t-il falloir inciter les CSE à faire du déficit afin que leurs expertises soient prises en charge ? Cela me paraît bien compliqué et cela me semble relever du bricolage, comme s'il s'agissait avant tout d'éviter une censure du Conseil constitutionnel au sujet du droit effectif à l'expertise pour un CSE. Dans les entreprises, les représentants du personnel me semblent fatigués. Tout cela ne me semble guère aller dans le sens d'un développement du dialogue social dans l'entreprise".

(*) Délai de 8 jours à compter de la notification de l'Autorité de la concurrence ou de la Commission européenne. Voir notre article

Bernard Domergue
Ecrit par
Bernard Domergue

Commentaires (2)

Gerard LEJEUNE | 12/12/2017 - 21:18

Je suis parfaitement en accord avec l'analyse de Mme VERGNOLLE
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AE_NBQ | 15/12/2017 - 09:47

Note de la rédaction

Au sujet des ordonnances et du budget du CSE, merci de prendre aussi connaissance de notre article intitulé "Prise en charge des expertises du CSE par l'employeur : précision !" publié dans notre édition du jeudi 14 décembre.
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