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[Audio] Eurotunnel, l'un des premiers CSE élus

Eurotunnel est l'une des premières entreprises à avoir élu son CSE. Mais sans avoir négocié au préalable des moyens supplémentaires. En revanche, chez Software Labs, du groupe Renault, le protocole d'accord électoral prévoit que 4 suppléants assistent aux réunions du nouveau CSE. Explications.

 

 

Malgré de multiples appels la semaine dernière, le secrétaire du nouveau CSE d'Eurotunnel était injoignable, pris notamment par la préparation d'une activité sociale organisée par l'ancien CE, à savoir une distribution d'oeufs en chocolat pour les enfants du personnel à l'occasion de Pâques. Anecdotique ? Pas tant que ça, tant la campagne des élections professionnelles pour la première élection du comité social et économique (CSE) d'Eurotunnel, les 12 et 13 mars (voir notre infographie animée ci-dessus), a semblé tourner autour de la gestion des activités sociales et culturelles. La majorité sortante FO a mis en avant son bilan ("augmentation de 33% de la partie versée par le CE sur les chèques-vacances", "carte cadeaux passée de 30€ à 40€", organisation en 2017 d'une colonie de vacances à New-York pour 33 enfants, etc.). Et formulé de nouvelles propositions : nouveau doublement de l'abondement des chèques vacances, chèque de 200€ pour chaque enfant d'un salarié atteignant ses 18 ans, partenariat avec un maraîcher local, mise en place d'une garderie pour les enfants des salariés, etc.

FO obtient 13 des 23 mandats au CSE d'Eurotunnel

Sont-ce ces propositions qui ont séduit les salariés ? Toujours est-il que la nouvelle instance unique de représentation du personnel de cette entreprise de 1 687 salariés est dominée par FO, qui obtient 13 des 23 mandats de titulaires, devant la CGT (7 titulaires) et la CFE-CGC (4). Lors de l'installation de l'instance, le 20 mars, c'est FO qui a obtenu les postes de secrétaire (Stéphane Sauvage) et de trésorier du CSE (Didier Telliez). Mais c'était une réunion express. "Vingt minutes", nous précise Philippe Vanderbec, qui se retrouve, comme représentant syndical CGT (il est aussi secrétaire du comité de la société européenne Eurotunnel et président des prud'hommes de Calais) le plus ancien syndicaliste de l'entreprise.

Mais si l'entreprise a anticipé les échéances des mandats en cours (novembre 2018) pour mettre en place le CSE sur la base du décret de fin décembre 2017, c'est pour l'heure l'inconnue quant au fonctionnement futur et aux moyens de la nouvelle instance, car rien n'a été négocié au préalable. Or la nouvelle instance entraîne une diminution de 15 personnes côté élus, comme le voit dans le tableau ci-après.

Avant,
avec des instances séparées
Après,
avec le CSE
CE : 8 titulaires            23 titulaires
DP : 13 titulaires

CHSCT : 12 membres

soit un sous-total de 33 titulaires

RS : 8 personnes (4 syndicats étant représentatifs) 3 RS (il n'existe plus que 3 syndicats sont représentatifs)
Total : 42 personnes Total : 26 personnes

 

Il n'y a donc pas, pour l'instant, de représentants de proximité, par exemple. Philippe Vanderbec espère que ce point sera négocié, de même que les moyens de la commission de santé, sécurité et conditions de travail, dans une entreprise où les problèmes de sécurité des chauffeurs de camions, confrontés aux tentatives de passage outre-Manche des migrants, sont une réalité.

Des élections rapides dans l'intérêt de l'entreprise et de ses salariés, estime la CFE-CGC

La mise en place rapide du CSE à Eurotunnel va donc à l'encontre du conseil donné par les confédérations à leurs équipes syndicales : "Prenez le temps de négocier". Mais Dominique Trimarche, le président de la CFE-CGC à Eurotunnel (il est élu au CSE, au comité de la société européenne et au comité de groupe) justifie ce calendrier rapide par le souci de respecter la loi imposant une représentation des salariés dans le conseil d'administration, et par un intérêt commun avec la direction. "Les élections du CSE auraient du avoir lieu en novembre 2018, nous explique Dominique Trimarche. Mais le PDG a souhaité fin 2017 pouvoir être en mesure d'intégrer un puis deux représentants des salariés au sein du conseil d'administration, dès après la prochaine assemblée générale prévue en avril". Pour que cela ne soit pas attaquable, il fallait donc, selon la direction, renouveler rapidement les instances. Un représentant des salariés au CA sera donc désigné par le comité de la société européenne et un autre par le comité de groupe (1).

Quid du CSE et de ses moyens ? "En début d'année lors des NAO, nous avons convenu d'ouvrir des négociations sur le sujet dans les prochaines semaines. Dans notre société, le dialogue social est réel et la direction me semble prête à négocier des moyens", répond Dominique Trimarche. Le président de la CFE-CGC espère donc obtenir des représentants de proximité mais aussi une commission santé, sécurité et conditions de travail importante : "Nous pourrions imaginer de consacrer la moitié du temps de la réunion mensuelle du CSE aux questions des conditions de travail et de sécurité, importantes dans notre secteur".

Des passages au CSE parfois a minima

Des élections non précédées de négociations sur les moyens et le fonctionnement de l'instance, et des délégués syndicaux qui espèrent négocier ensuite un accord sur les moyens de l'instance : ce cas de figure paraît très défavorable par rapport à la situation d'entreprises ayant négocié avant les élections et pu obtenir, par exemple, des représentants de proximité (voir nos articles sur CERP Rouen, France Télévisions, PSA Retail).

Mais ce cas de figure ne devrait pas être si rare. Secrétaire général de la fédération métallurgie CFDT du Maine-et-Loire, Cyril Duval estime qu'il n'est guère facile, face à certains employeurs qui optent pour le minimum, de négocier avant les élections, a fortiori si le syndicat n'y est pas ou peu implanté ! "Si nous ne pouvons pas participer aux négociations sur le protocole électoral pour obtenir davantage, un de nos seuls moyens consiste à réclamer après l'élection des moyens pour le dialogue social, en faisant traîner l'ouverture des négociations si rien ne bouge". Tout dépend donc du contexte.

La présence de 4 suppléants aux réunions a été négociée chez Renault Software Labs

Dans une société appartenant au groupe Renault, Software Labs, qui emploie 415 salariés sur deux sites à Sophia Antipolis, près de Nice, et à Toulouse, les élections du CSE (les deux sites avaient déjà un CE unique) ont vu la victoire de la CFDT. Avec 55% de représentativité, le syndicat remporte 8 des 13 sièges, les 5 autres allant à la CFE-CGC. "Dans le protocole préélectoral, nous avions négocié un siège en plus de titulaire et un de plus pour les suppléants. Et nous avons obtenu la présence de 4 suppléants par réunion, selon les sujets abordés, avec un crédit d'heures annuel supplémentaire pour eux", nous explique Frédéric Crouzet-Nougaro, le délégué syndical CFDT. Ce dernier précise qu'il n'y aura qu'une seule commission santé, sécurité et conditions de travail pour les deux sites, la commission devant intégrer des élus travaillant sur les deux sites.

Pour Frédéric Crouzet-Nouagro, il va falloir maintenant négocier un accord de droit syndical donnant les moyens aux élus d'aborder les multiples chantiers qui s'ouvrent. Car la reprise de cette société, spécialisée dans la conception des véhicules connectés, les véhicules automatiques et l'aide à la conduite, va entraîner la nécessité de revoir l'ensemble des accords. "Nous n'allons pas pouvoir tout faire en un an. Il va nous falloir un autre calendrier social", dit le délégué syndical qui compte sur l'appui des équipes syndicales de Renault.

Un CSE central mis en place à la Société générale avant les élections des CSE

La Société générale constitue encore un autre cas de figure très particulier. La banque a choisi de remplacer son CCE (comité central d'entreprise) par un CSE central (CSEC) dès janvier 2018, avant même la tenue des élections des CSE d'établissement dans toute l'entreprise, les mandats ayant été prorogés jusqu'à fin 2018. C'est un accord unanime du 20 décembre 2017(signé par la CFDT, la CFTC, la CGT, et le SNB) qui prévoit cette mise en place, l'instance de coordination des CHSCT (ICCHSCT) étant "intégrée" dans une commission santé, sécurité et conditions de travail du CSE central. Ce sont donc les élections intervenues au sein des CE avant le 30 juin 2017 qui ont servi de base de répartition pour les 18 sièges titulaires de l'instance centrale. A noter que l'accord prévoit que le secrétaire et le trésorier de l'instance exercent leur fonction à temps plein (le secrétaire adjoint et le trésorier adjoint bénéficiant d'un crédit annuel de 270 jours chacun), et que les titulaires et les suppléants assistent aux réunions plénières du CSEC.

 

(1) Agé de 64 ans, le PDG d'Eurotunnel veut faire reporter la limite d'âge de sa fonction lors de la prochaine assemblée générale de l'opérateur du tunnel sous la Manche. Mais s'il semble pouvoir compter sur l'appui du premier actionnaire, la société italienne Atlantia (15,5%  du capital et 26% des droits de vote), tel ne paraît pas être le cas du deuxième actionnaire de l'opérateur du tunnel sous la Manche, le fonds TCI, décrit par les Echos et le Monde comme un fonds qui cherche à modifier la gestion des grands groupes qu'il juge sous-valorisé. Le souhait de faire entrer des représentants des salariés dans le conseil d'administration pourrait donc correspondre à la volonté de stabiliser le conseil d'administration face à des actionnaires minoritaires imprévisibles, un danger également souligné par FO avant les élections professionnelles

Bernard Domergue
Ecrit par
Bernard Domergue