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Le management de transition : une option pour la direction juridique ?

Avoir recours à un responsable juridique de transition permet de s’attacher, le temps d’une mission, des compétences spécifiques ou simplement de pallier une absence. Dans tous les cas, la formule, qui s’est d’ores et déjà développée pour d’autres fonctions, semble séduire par sa souplesse.

Coéquipiers, acteurs du changement, tels sont les qualificatifs utilisés par le cabinet de recrutement Lincoln Transition Executive dans son étude1 sur les compétences clés du manager de transition pour définir ces dirigeants d’un genre nouveau. Professionnel mandaté pour remplir une mission, le manager de transition est un senior qui dispose d’au moins 10 à 15 ans d’expérience et qui est donc capable de s’engager rapidement dans une mission commando (6 à 12 mois en général parfois plus ou moins).

Ce mode opératoire, plus connu pour les fonctions de direction générale ou de direction financière, commence à percer dans le secteur du juridique. « Nous percevons une évolution en ce sens, même si globalement le management de transition est encore peu utilisé en France – 35 % seulement des entreprises y ont déjà eu recours selon la première  enquête professionnelle2 sur le management de transition menée par le cabinet Delville Management – contrairement aux pratiques très développées au Royaume Uni où 54 % des entreprises y ont déjà eu recours », observe Bernard Michel, associé de Delville Management, cabinet de management de transition.

Preuve que l’activité juridique monte en puissance : Amélie Lobry a récemment rejoint l’équipe management de transition au sein du cabinet de recrutement Robert Walters en vue d’y développer cette activité. « Plusieurs facteurs me semblent favorables à cet essor : un contexte économique incertain et de nombreuses contraintes budgétaires qui dissuadent les entreprises de créer de nouveaux postes, le manque de visibilité à moyen/long terme, ou encore le faible turn over de cette population », indique Amélie Lobry. Apparemment le marché existe, reste à sensibiliser et convaincre les opérationnels. « Le manager de transition a notamment toute sa légitimité chaque fois qu’une équipe doit être managée, un plan coordonné, en l’absence du directeur juridique ou pour l’accompagner dans un projet atypique », résume Bernard Michel.

Missions juridiques

De nombreux sujets au sein de la direction juridique peuvent être l’occasion de faire appel à un tel expert.

  • Une nouvelle orientation stratégique (développement d’un projet, lancement d’une activité à l’international, uniformisation de bases de données, etc.).
  • La multiplication d’opérations « corporate » dites exceptionnelles : acquisition, fusion, introduction en bourse, LBO, restructuration, etc. « L’ampleur et la complexité de ces missions requièrent la mobilisation d’experts pendant une durée déterminée, ressources dont ne disposent pas forcément les entreprises à ce moment-là. Ces managers qualifiés viennent alors mener à bien le projet et/ou former les équipes », commente Amélie Lobry.
  • L’absence temporaire d’un dirigeant ou d’un collaborateur clé (congés de maternité, arrêt maladie, départ inopiné). « Dans ce contexte, le manager de transition reprend le poste vacant pour intervenir en mission relais », ajoute Amélie Lobry.

L’avantage de la formule est double : souplesse - la mission dure le temps que le projet soit finalisé - et optimisation financière, puisque son coût est moindre qu’une création d’emploi ou que les honoraires d’un avocat. En outre, fort de son expérience, le manager de transition connaît l’entreprise de l’intérieur.

Trois types de profils

Selon Amélie Lobry, il existe trois catégories de managers de transition : les pure-players, ceux qui ont délibérément choisi ce mode opératoire pour tous les bénéfices qu’ils y trouvent (challenge intellectuel, diversité des missions, autonomie, absence de dimension politique, etc.) ; les cadres en recherche active qui acceptent une mission dans l’attente de renouer avec un CDI ; les plus seniors, qui se heurtent à un marché de l’emploi difficile.

Dans le meilleur des cas, les candidats sont sollicités par leur propre réseau. Mais certains cabinets de recrutement ou de chasse de tête développent un pôle spécifique et servent d’intermédiaires, en prélevant au passage une commission sur chaque mission. Odile Merigaud, ex-avocate, ex-directrice juridique dans un groupe industriel, s’est lancée un peu par hasard parce qu’elle a été sollicitée par une connaissance. Elle vient de rejoindre l’association Amadeus Dirigeant qui regroupe une quarantaine de dirigeants de haut niveau et de tous horizons. « Je ne suis pas une experte en réseautage mais je trouve auprès de cette association le soutien nécessaire pour rompre l’isolement que l’on peut parfois ressentir et également des activités bénévoles auxquelles participer entre deux missions », témoigne-t-elle. Le cas échéant, l’association peut aussi lui fournir des pistes. La directrice juridique, qui s’est formée aux RH via un master 1, se positionne avec la double compétence, enchaîne les missions. A 54 ans, elle apprécie ce fonctionnement en mode projet, le côté hyperopérationnel, la prise en charge de situation à bras-le-corps pour les solutionner, et une certaine liberté…

1. Etude sur les compétences clef du manager de transition, Lincoln Transition Executive, juin 2015

2. Enquête sur le management de transition en France et au Royaume-Uni, Delville Management, résultats 2015

Véronique Méot
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Véronique Méot
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