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Le déconfinement n'autorise pas tout en matière d'utilisation des données de santé

Si les employeurs sont obligés de prendre de nombreuses mesures pour préserver leurs salariés des risques de contagion face au coronavirus, ils ne sauraient toutefois mettre en place eux-mêmes des fichiers relatifs à la température corporelle de leurs employés ou à certaines pathologies susceptibles de constituer des troubles aggravants en cas d'infection au Covid-19.

Les employeurs peuvent-ils imposer à leurs salariés des relevés de température corporelle, des tests sérologiques ou encore des questionnaires médicaux ?

Il s’agit de données de santé à caractère personnel et comme telles, elles font l’objet d’une protection juridique particulière même en cette période de pandémie. Elles sont sensibles et en principe interdites de traitement.

La CNIL rappelle que pour pouvoir être traitées, leur utilisation doit nécessairement s’inscrire dans l’une des exceptions prévues par le RGPD.

Les exceptions mobilisables dans le contexte du travail sont limitées et peuvent globalement relever soit de :

  • la nécessité pour l’employeur de traiter ces données pour satisfaire à ses obligations en matière de droit du travail, de la sécurité sociale et de la protection sociale : c’est le cas du traitement des signalements par les employés ;
  • la nécessité, pour un professionnel de santé, de traiter ces données aux fins de la médecine préventive ou de la médecine du travail, de l’appréciation (sanitaire) de la capacité de travail du travailleur, de diagnostics médicaux, etc.
Sur la prise de température

Un contrôle de température à l’entrée de l’entreprise n’est pas recommandé.

En revanche, le ministère des Solidarités et de la Santé conseille aux personnes de mesurer elles-mêmes leur température en cas de sensation de fièvre et plus généralement d’auto-surveiller l’apparition de symptômes évocateurs de Covid-19. 

Médicalement parlant, la fièvre n’est pas toujours présente chez les porteurs du virus. L’infection à SARS-CoV-2 peut être asymptomatique ou pauci symptomatique. En outre, l’infection virale peut exister 2 jours avant le début des signes cliniques. Le Haut conseil de la santé publique le rappelle, dans son avis du 28 avril 2020.

Toutefois, les entreprises peuvent, dans le cadre d’un ensemble de mesures de précaution, organiser un contrôle de la température des personnes entrant sur leur site.

Le ministère du travail précise que ces mesures peuvent faire l’objet de la procédure relative à l’élaboration des notes de service valant adjonction au règlement intérieur prévue à l’article L. 1321-5 du code du travail qui autorise une application immédiate des obligations relatives à la santé et à la sécurité avec communication simultanée au secrétaire du comité social et économique, ainsi qu'à l'inspection du travail.

Elles doivent alors respecter :

  • les dispositions du code du travail, en particulier celles relatives au règlement intérieur ;

  • être proportionnées à l’objectif recherché ;

  • offrir toutes les garanties requises aux salariés concernés tant en matière d’information préalable, de préservation de la dignité, de conséquences à tirer pour l’accès au site, que d’absence de conservation des données.

La CNIL rappelle à cet égard que la règlementation sur les traitements de données ne s’applique qu’aux traitements automatisés (notamment informatiques) ou aux traitements non automatisés qui permettent de constituer des fichiers. Ainsi, la seule vérification de la température au moyen d’un thermomètre manuel (tel que par exemple de type infrarouge sans contact) à l’entrée d’un site, sans qu’aucune trace ne soit conservée, ni qu’aucune autre opération ne soit effectuée (tels que des relevés de ces températures, des remontées d’informations, etc.), ne relève pas de la règlementation en matière de protection des données.

Sont interdits aux employeurs : 

  • les relevés obligatoires de températures de chaque employé ou visiteur dès lors qu’ils seraient enregistrés dans un traitement automatisé ou dans un registre papier ; 
  • les opérations de captation automatisées de température au moyen d’outils tels que des caméras thermiques. 

Quoiqu’il en soit, le contrôle de température n’est pas obligatoire et le salarié peut toujours le refuser. Si l’employeur, devant ce refus, ne laisse pas le salarié accéder à son poste, il peut être tenu de lui verser le salaire correspondant à la journée de travail perdue. 

Sur les tests de dépistage

Le protocole national de déconfinement interdit aux employeurs toute campagne de dépistage pour leurs salariés et ce quelle que soit la nature des tests : naso-pharingés ou sérologiques.

Tests naso-pharyngés

Seuls les tests sur prélèvements naso-pharyngés sont fiables pour confirmer le diagnostic de Covid-19. Ces prélèvements ne peuvent être réalisés que sur prescription médicale par un professionnel de santé médecin, infirmier ou biologiste. En conséquence, à ce stade, aucune organisation par les employeurs de prélèvements en vue d’un dépistage virologique ne saurait s’inscrire dans la stratégie nationale de dépistage.

Tests sérologiques

Pratiqués en laboratoire sur un échantillon sanguin, les tests sérologiques permettent de détecter les anticorps produits par le corps humain en réponse à une infection virale. En l’état actuel des connaissances, il n’existe aucune certitude sur l’acquisition d’une immunité. La Haute autorité de santé, dans son avis du 2 mai, déconseille donc l’usage à grande échelle de ces tests et les exclut de l’organisation du travail au sein d’une entreprise.

En tout état de cause, les résultats de ces tests sont soumis au secret médical. La CNIL rappelle que l’employeur ne pourra recevoir que l’éventuel avis d’aptitude ou d’inaptitude à reprendre le travail émis par le professionnel de santé. Il ne pourra alors traiter que cette seule information, sans autre précision relative à l’état de santé de l’employé, d’une façon analogue au traitement des arrêts de maladie qui n’indiquent pas la pathologie dont l’employé est atteint.

Sur les questionnaires médicaux

L'employeur ne peut pas obliger des travailleurs à compléter de tels questionnaires. Il est conseillé d'encourager les travailleurs à signaler spontanément des voyages à risques ou des symptômes. Le rôle du médecin du travail est dans ce cas primordial.

La CNIL rappelle que seuls les professionnels de santé compétents, notamment les médecins du travail, peuvent collecter, mettre en œuvre et accéder à d’éventuels fiches ou questionnaires médicaux auprès des employés contenant des données relatives à leur état de santé ou des informations relatives notamment à leur situation familiale, leurs conditions de vie ou encore, leurs éventuels déplacements. 

 

Orianne Merger
Ecrit par
Orianne Merger