Juristes seniors : des "business partners" aux multiples facettes

Travailler avec enthousiasme et un certain amusement. Aborder de nouveaux projets et adapter son management pour entraîner son équipe. Tels sont les leitmotivs des juristes seniors, devenus responsables ou directeurs juridiques, parfois après avoir exercé plusieurs métiers. « J’ai travaillé comme avocat au sein d’un cabinet », explique Alexandre Menais, directeur juridique de la SSII Atos. « Je me suis réorienté vers l’entreprise par volonté de manager des équipes et parce que la création de valeur en entreprise est plus tangible. Le service juridique contribue directement à la performance de la société et à sa rentabilité ». Du concret, c’est ce qui motive les managers juridiques dans leur choix de carrière.

Quitte parfois à leur faire prendre des chemins de traverse : « J’ai exercé comme avocat, puis comme juriste chez un constructeur automobile, puis je me suis occupé d’une PME dans le milieu du jouet, comme consultant en développement », relate Eric Desforges, responsable du département droit des affaires chez Manpower. « J’ai même pris une année sabbatique pour parcourir le monde et m’occuper d’une association de réinsertion ». Un itinéraire riche, et qui selon le responsable juridique, apporte une vision complète du business et de la société.  « Ce qui est important c’est de cultiver une cohérence dans les expériences, une linéarité », ajoute Eric Desforges.

Un métier plus complexe

La linéarité se conjugue parfois avec la fidélité à une même entreprise ou à un même secteur, pourvu qu’il y ait une évolution régulière : « J’appartiens à un groupe dont la taille a été multipliée par dix depuis que j’y suis entré, il  y a 20 ans », raconte Eric Amar, directeur juridique de Bolloré Logistics. « Dans le secteur, nous sommes devenus une référence et le service juridique s’est développé pour accompagner cette croissance ».  

Les managers juridiques expérimentés sont ainsi les témoins privilégiés de l’évolution de leur profession. « Aujourd’hui, les entreprises ont besoin de pouvoir opérer dans le monde entier, ce qui renforce le rôle du service juridique face aux risques encourus à tous les niveaux et avec tous les interlocuteurs : actionnaires, clients, partenaires, etc. », commente Alexandre Menais. 

Les professionnels reconnaissent que le droit est devenu de plus en plus complexe, et qu’il faut désormais s’entourer de collaborateurs aux compétences multiples : spécialistes en droit des nouvelles technologies, en fusions-acquisitions, profils anglophones, etc. « Dans ce monde à l’évolution rapide, les attentes envers le service juridique se sont amplifiées. Désormais, il faut être réactif et ne pas attendre un mois avant de fournir une réponse en latin », assène avec humour Eric Desforges.

Des managers aguerris

Interlocuteurs réguliers de tous les services de l’entreprise, les managers juridiques se doivent d’être clairs, pédagogues, d’autant qu’ils ont parfois la tâche de former leurs collègues aux enjeux juridiques : « Les managers qui évoluent bien dans leur carrière sont non seulement d’excellents techniciens, mais aussi des business partners à part entière », confirme Ian de Bondt, directeur du cabinet de recrutement Fed Legal. Et plus le directeur juridique est indépendant, plus son profil a du poids lors d’un recrutement : « Lorsqu’ils rapportent à la direction générale, les managers juridiques sont plus libres que lorsqu’ils sont sous la coupe d’un DAF, qui peut d’ailleurs avoir des intérêts contradictoires », observe Ian de Bondt.

Polyvalents et avides de liberté, les seniors sont également jugés sur leurs qualités de managers, qu’ils ont su peaufiner : « Au fur et à mesure, on apprend à décrypter son style de management et à l’adapter tout en acceptant de faire des erreurs », observe Alexandre Menais. « Ce qui est important, c’est d’être transparent et proche de ses équipes. Ne pas faire de promesses intenables compte tenu de la conjoncture et en même temps, donner du sens au travail afin que chacun puisse trouver une source de développement professionnel et personnel ». Une certaine forme de sagesse pour les juristes seniors qui vibrent au rythme de leur entreprise et du marché.