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Ces directeurs juridiques devenus DG

Qui a dit que le droit ne pouvait pas mener aux plus hautes fonctions d’une entreprise ou d’une association ? Voici le parcours de directeurs juridiques devenus patrons.

Sabine Lochmann est directrice générale du cabinet de conseil en ressources humaines BPI Group, une société qui emploie 700 consultants en France. Ni HEC, ni ingénieur, cette ancienne avocate a été pendant 10 ans directrice juridique du groupe de santé Johnson & Johnson, puis directrice marketing de l’une de ses filiales Ethicon, et enfin directrice générale en charge des affaires stratégiques dans cette même entreprise. Elle a rejoint BPI en 2014.

 Aux États-Unis, les directeurs juridiques sont régulièrement membres du comité de direction des entreprises et en deviennent parfois CEO

Un parcours exemplaire, mais qui fait encore figure d’exception en France, contrairement aux pratiques anglo-saxonnes : « Dans un groupe anglo-saxon tel que Johnson & Johnson l’importance et l’usage du droit sont très perceptibles », explique Sabine Lochmann. « Aux États-Unis, les directeurs juridiques sont régulièrement membres du comité de direction des entreprises et en deviennent parfois CEO ».

Pour accéder aux plus hautes fonctions, le droit ne manque pourtant pas d’atouts : « L’environnement économique actuel est de plus en plus normé. Il y a donc une nécessité à s’entourer de profils issus du droit, créatifs, qui élaborent les règles et ne sont pas uniquement en posture préventive ou curative », estime pour sa part Nathalie Kaleski, directrice générale de la SPRE (Société pour la perception de la rémunération équitable des artistes-interprètes et producteurs).  Cette ancienne avocate a elle aussi été directrice juridique, avant de prendre le poste de directeur général de l’entreprise de collecte.

Le droit comme tremplin

Dans certains secteurs, le droit possède un rôle directement opérationnel, qui facilite la prise de responsabilité des directeurs juridiques. C’est le cas à la SPRE, qui gère les droits de ses adhérents à percevoir une rémunération. C’est également le cas dans le milieu associatif.  A l’Automobile Club, grosse association qui emploie 120 salariés dans l’Hexagone, le droit revêt une importance particulière : « Nous avons à la fois une activité de services pour nos adhérents et une action institutionnelle forte, de défense collective. Le droit est donc partout dans notre fonctionnement, qu’il s’agisse du droit de la consommation, du droit public ou du droit des sociétés au travers de nos filiales commerciales », indique Christian Scholly, directeur général de l’Automobile Club Association. Ce dirigeant est par conséquent l’ancien directeur juridique de la structure.

Outre un environnement propice, le directeur juridique qui monte en compétence doit posséder des qualités propres et une forte dose de motivation. « Il s’agit d’un challenge important. J’ai eu la chance d’avoir une formation initiale en économie et en finance et d’avoir exercé dans le secteur bancaire, ce qui me donne une vision plus large que celle du seul droit », confie Nathalie Kaleski.

Se former pour monter

Pour Sabine Lochmann, « Il convient d’avoir un certain état d’esprit et une démarche personnelle, car le juriste d’entreprise n’est pas formé comme dans une école de commerce. Ensuite, c’est l’expérience de terrain qui se gagne au quotidien dans l’entreprise : notamment par la participation à des projets directement opérationnels et commerciaux alliant expertise juridique et sens du business ».

Pour passer à l’étape supérieure, les ex-directeurs juridiques ont souvent du se former : « J’ai suivi des formations techniques, en marketing et en finance, ainsi qu’un Executive Leadership Program, relate Sabine Lochmann. J’ai aussi bénéficié d’un coaching individuel, qui m’a été très utile pour devenir un directeur marketing crédible et efficace ».

 Du terrain technique, on passe à celui du pouvoir 

Quand ils entrent dans la fonction de DG, les ex-directeurs juridiques se frottent à de nouvelles  réalités : « Du terrain technique, on passe à celui du pouvoir », résume Nathalie Kaleski. Avec tous les enjeux que cela comporte et la nécessité de composer avec différents publics. Habitués à essayer de convaincre leur entourage, les ex-directeurs juridiques ont pour eux l’opiniâtreté utile dans ces circonstances.

Enfin, les professionnels du droit devenus dirigeants reconnaissent tous la nécessité pour les juristes de s’imposer et de devenir polyvalents à l’avenir,  multipliant les expériences dans des services opérationnels. Le droit oui, mais comme tremplin.

Olga Stancevic
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Olga Stancevic
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