Avocat en entreprise : en route pour le débat parlementaire
Dans les 106 articles du projet de loi sur la croissance et l’activité, une disposition sur l’avocat en entreprise figure bel et bien. Ainsi s’achèvent les pronostics émis sur la volonté gouvernementale de le créer ou non. Et le suspens alimenté, depuis la mi-octobre, par la fuite d'un premier avant-projet de loi sur les réseaux sociaux, suivi de ses versions bis, puis ter, et quater, etc..
Ce qui est proposé
L’avocat en entreprise bénéficierait du legal privilege - ou privilège de confidentialité - si le texte est adopté en l’état par le Parlement. Conformément à ce que Bercy porte depuis le début, une passerelle serait ouverte aux juristes d’entreprise exerçant leurs fonctions depuis 5 ans. Autres éléments, en qualité de salarié de son entreprise l’avocat lui réserverait « l’exclusivité de ses prestations », et il ne pourrait ni plaider ni avoir de clientèle personnelle, précise le dossier de presse remis à l’issue de l’adoption du texte en conseil des ministres. Dossier qui précise également que l’avocat exerçant en entreprise serait « inscrit auprès du barreau sur une liste ad hoc et tenu de respecter les principes déontologiques et éthiques de la profession ». Sur l’ensemble de ces points, la copie d’Emmanuel Macron, devenu le projet défendu par l'ensemble du gouvernement, n’a pas réellement évolué par rapport à ses multiples avant-projets.
Une piste d'ordonnance sur le sujet
Mais comment concrètement est inscrite la création du statut d'avocat en entreprise et les détails qui l'entourent dans le projet de loi ? Bien qu’adopté en conseil des ministres, présenté en conférence de presse, et détaillé par son dossier remis aux journalistes hier, le texte officiel était toujours aux abonnés absents sur les sites de l'Assemblée nationale et de légifrance au moment du bouclage de notre édition.
Selon le texte que s'est procuré le quotidien en ligne Contexte, la création de ce statut passerait par la voie d’une ordonnance. Le projet de loi prévoirait une habilitation du gouvernement à procéder de la sorte, dans les 8 mois de l’adoption du texte.
A cette interrogation qui demeure, et que nous avons formulée lors de la conférence de presse, le retour de la garde des Sceaux, Christiane Taubira, invitée par le premier ministre à prendre la parole sur le sujet, n’a pas apporté de clarté. « Le gouvernement a veillé à apporter une réponse », aux prises de positions divergentes et cristalisantes en proposant de créer ce statut dans le projet de loi. « C’est un sujet de débat dont les parlementaires vont s’emparer », poursuit-elle. Le floue persiste donc. Puisque tant une disposition prévoyant une habilitation gouvernementale, tant un article détaillé dans le projet de loi - reprenant les différents points explicités dans le dossier de presse - susciteront, sans nul doute, des réactions de la part des députés et des sénateurs. En tous les cas, les députés entameront leur examen du texte le jeudi 22 janvier.
| Le projet de loi a finalement été publié le lendemain de sa présentation en conseil des ministres. Sa version officielle confirme l'hypothèse d'une habilitation du gouvernement à procéder par voie d'ordonnance dans les 8 mois de l'adoption du texte (article 21, § 1 du projet de loi). |
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Des parties prenantes toujours mobilisées
Du côté de l’AFJE (Association française des juristes d'entreprise) on y croit dur comme fer ! « C’est une bonne nouvelle (…) une décision courageuse de la part du gouvernement », déclare le vice-président de l’AFJE, Marc Mossé, directeur des affaires juridiques et publiques de Microsoft. Il se veut également rassurant vis-à-vis des avocats qui pourraient ne pas partager son point de vue. « Le droit appelle le droit », analyse Marc Mossé. Il croit à un renforcement du rayonnement du droit français par la naissance de l’avocat en entreprise, porteur de valeur ajoutée pour tous. « Les avocats vont tirer bénéfice de cette évolution et pas seulement ceux de Paris », poursuit-il. « Ils ne doivent pas s’inquiéter », leur adresse-t-il comme un message.
La partie n’est pas jouée. La garde des Sceaux rappelait une nouvelle fois hier, lors de la conférence de presse, que « la profession d’avocat est extrêmement divisée sur le sujet ». Au même moment, le CNB (Conseil national des barreaux) appelait, avec d’autres instances représentatives de la profession, à manifester contre le projet de loi Macron. Un « kit de communication », mis en ligne sur le site du CNB, proposant une lettre type d'opposition à adresser aux parlementaires, doit déjà circuler.