Services : la nouvelle vague de propositions de la Commission européenne
« Faciliter les démarches administratives des prestataires de services et aider les États membres à identifier les exigences excessivement lourdes ou dépassées qui pèsent sur les professionnels exerçant leurs activités dans leur pays ou à l’étranger ». Ce sont ces justifications qu’affiche la Commission européenne pour proposer de nouveaux textes libératoires sur les services.
La première proposition concrète vise à l’instauration d’une carte électronique de services, une sorte de passeport européen pour exercer son activité dans un autre États membre que son pays d’origine. L’obtention de cette carte passerait par une plateforme européenne traduite dans l’ensemble des langues de l’UE. Le prestataire y serait mis en relation avec un interlocuteur unique, celui de son pays d’origine, dans sa langue. Il y remplirait un formulaire et y déposerait les formalités administratives requises (comme, par exemple, des preuves de son établissement dans son État d’origine, le bénéfice d’une assurance, etc.) pour exercer sa profession dans un second État de l’UE. Puis, son interlocuteur vérifierait sa demande et la transmettrait à l’État membre d’accueil. L’exécutif européen précise, toutefois, que « ce dernier conservera le pouvoir d’appliquer des exigences réglementaires nationales et de décider si le demandeur peut proposer des services sur son territoire ». La carte électronique ne serait donc qu’un outil pour alléger les démarches administratives d’un prestataire désireux de pratiquer son activité à l’étranger.
Pour créer cette carte, une proposition de
règlement et une seconde, prenant la forme d’une
directive, sont présentées par la Commission. La première précise qu’elle vise spécifiquement le domaine des services aux entreprises et en matière de construction. Son champ d’application semble en tout cas calqué sur celui de la directive services.
Le second volet de textes, présentés par l’exécutif européen, cherche à faire prendre conscience aux État membres de la nécessité ou non d’encadrer l’accès aux professions réglementées. La législation autour des professions d’architectes, de médecins, d’experts-comptables ou encore d’avocats est concernée. Une
directive pourrait ainsi mettre en place un test de proportionnalité, à respecter par les États de l’UE, sur toute nouvelle réglementation venant restreindre l’accès à une profession ou poursuivant l’encadrement de celle-ci. Le test devrait avoir lieu avant que la règlementation ne soit adoptée ou à l’occasion d’une modification de celle-ci. Et les États se trouveraient en position de devoir justifier au regard de l’intérêt général - avec de preuves quantitatives et qualitatives à l’appui - de l’intérêt de leur projet de réglementation. Une liste de justifications possibles est donnée par la proposition de directive, qui reprend la définition de la notion d’intérêt général admise par le Traité sur le fonctionnement de l’UE et la jurisprudence de la CJUE. Le texte décline ensuite les questions que les États membres auront à se poser dans le cadre du test de proportionnalité qu’ils effectueront.
Un focus sur la profession d’avocat permet, par exemple, de préciser qu’une nouvelle réglementation visant à protéger l’administration de la justice en France semblerait justifiée. Dans le cas où elle aborderait la question de la formation des avocats ou de leur monopole sur certaines activités, l’État français pourrait alors se poser plusieurs questions pour vérifier la proportionnalité de sa future législation. Sur la formation en elle-même, le rapport entre complexité des taches, qui leur sont confiées, et la durée de formation professionnelle ou d’expérience requise pour pouvoir devenir avocat, pourrait être un élément du test. Il pourrait aussi porter sur les compétences réservées aux avocats, dans l’élaboration de certaines missions, qui devraient être réduites au strict nécessaire, selon la Commission. En plus de sa proposition de directive, la Commission européenne a publié des
recommandations aux États membres sur les réformes à mener concernant les professions réglementées. Dans son document, qui n’a toutefois pas de valeur juridique obligatoire, elle invite l’ensemble des États membres, dont la France, à « clarifier le champ des réserves [de compétences, au bénéfice de la profession d’avocat, ndrl] dans le but de faciliter les offres de services de consultation par des juristes ou d’autres prestataires de services, notamment en ligne ». Une façon détournée d’encourager le développement des legal tech sur le marché européen du droit…
Enfin, une dernière
proposition de directive encadre la notification que chaque État membre doit faire à la Commission européenne et aux autres États, avant de légiférer sur un nouveau régime d’autorisation ou une nouvelle exigence demandée pour prester un service. La nécessité, pour l’État, de notifier un nouveau projet de dispositif légal existait déjà dans la directive services. Elle pourrait, avec la nouvelle proposition, être strictement organisée en termes de délais, de justification à apporter par l’État et de consultation à mener. Elle aborde aussi la possible opposition de la Commission à la promulgation d’un nouveau texte.