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Publicité sur internet : quand les juridictions françaises sont-elles compétentes ?

L'accessibilité, dans le ressort d'une juridiction saisie, d'un site internet diffusant un spot publicitaire litigieux, suffit à retenir la compétence de cette juridiction prise comme celle du lieu de la matérialisation du dommage allégué, selon la Cour de cassation.

Par un arrêt du 18 octobre (Cass. 1re civ., 18 oct. 2017, n° 16-10.428), la Cour de cassation rappelle que l'accessibilité, dans le ressort d'une juridiction saisie, d'un site Internet diffusant un spot publicitaire litigieux suffit à retenir la compétence de cette juridiction, prise comme celle du lieu de la matérialisation du dommage allégué.

Remarque : en l'espèce, les juges du fond avaient déclaré l'incompétence des juridictions françaises, au motif que des vidéos litigieuses diffusées sur un site internet n'étaient pas à destination du public français, soit parce qu'elles étaient destinées à des publics étrangers, soit parce qu'elles étaient destinées à des professionnels de la publicité et de la communication dans un but d'information. Les juges en avaient déduit l'absence de lien de rattachement suffisant, substantiel ou significatif entre ces sites, les vidéos postées et le public français.

En principe, le droit français prévoit la compétence de la juridiction territorialement compétente du lieu où demeure le défendeur (C. pr. civ., art.  42). Il prévoit que le demandeur peut saisir, à son choix, outre la juridiction du lieu où demeure le défendeur :

  • en matière contractuelle, la juridiction du lieu de la livraison effective de la chose ou du lieu de l'exécution de la prestation de service ;
  • en matière délictuelle, la juridiction du lieu du fait dommageable ou celle dans le ressort de laquelle le dommage a été subi (C. pr. civ., art.  46).

D'importantes divergences existent entre les juridictions quant aux mécanismes de détermination de la loi applicable :

  • la cour d'appel de Paris recherche l'existence d'un lien substantiel et significatif suffisant avec le territoire français pour s'estimer compétente ou non (CA Paris, 4e ch., sect. B, 9 nov. 2007, n° 06/16286) ;
  • la chambre commerciale estime plutôt qu'elle n'est compétente que lorsque les produits offerts par le site sont disponibles en France (Cass. com., 10 juill. 2007, n° 05-18.571). Mais ce raisonnement ne s'applique que pour les marchandises matérielles. Elle a également jugé qu'un demandeur n'est susceptible de subir un dommage en France du fait d'un site internet, que si, outre un critère d'accessibilité, le site est orienté vers un public français (Cass. com., 3 mai 2012, n° 11-10.508 ; Cass. com., 20 sept. 2011, n° 10-16.569 ; Cass. com., 29 mars 2011, n° 10-12.272) ;
  • enfin, la première chambre civile de la Cour de cassation considère depuis longtemps que le fait qu'un site internet soit directement accessible en France, fût-il passif, suffit à déclencher sa compétence (Cass. 1re civ., 9 déc. 2003, n° 01-03.225). Elle le répète dans cette affaire : s'il n'existe pas de lien de rattachement suffisant, substantiel ou significatif entre les sites, les vidéos postées et le public français, l'accessibilité du site dans le ressort d'une juridiction saisie suffit à retenir la compétence de cette dernière. Mais la Cour rajoute que cette juridiction compétente est prise « comme celle du lieu de la matérialisation du dommage allégué ». En retenant la notion de dommage, n'exclut-elle pas à son tour, comme la chambre commerciale, le critère de l’accessibilité du site comme étant le seul et unique permettant de retenir la compétence de la juridiction ?
Stefano Danna
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Stefano Danna
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