Montages fiscaux : ces régularisations que le Trésor attend des entreprises
Dans un souci de transparence et de prévisibilité du contrôle fiscal opéré sur les entreprises, une liste de 17 « pratiques et montages abusifs » était présentée par le ministre des Finances et des Comptes publics, Michel Sapin, et le secrétaire d’État chargé du Budget, Christian Eckert, mercredi 1er avril. Le but ? Inciter les contribuables à se remettre volontairement dans le droit chemin, en leur faisant miroiter une réduction de pénalités voire même la clémence…
Les 17 exemples représentent des cas de fraudes ou d’abus de droit « parmi les plus typiques », rendus anonymes et qui ont déjà fait l’objet d’un redressement fiscal, précise Bercy. On retiendra, notamment, des schémas portant sur la déduction de dividendes du résultat, la délocalisation de profits suite à une restructuration, l’abus de conventions fiscales ou la double déduction d’intérêts d’emprunts. La liste est destinée à être allongée prévient le site de la direction générale des finances publiques.
Présentés sous le format de fiches expliquant le montage frauduleux, et les rehaussements dont l’entreprise pourrait faire l’objet, toutes se terminent pas la même phrase : « les personnes qui ont réalisé de telles opérations peuvent prendre contact avec l’administration fiscale pour régulariser leur situation ». Le Trésor espère, ainsi, des régularisations volontaires qui seront « prises en compte » par l’administration. Et met l’accent sur la non-application automatique des pénalités prévues « pour la seule raison qu’un montage figurant sur la liste a été utilisé ». Tout se jouera donc « au cas par cas », ont insisté tour à tour Michel Sapin et Christian Eckert.
Une première liste avait été dévoilée par le fisc au mois de janvier et s’apparentait à des cas de fraudes avérées. Elle est désormais complétée par des montages plus complexes pouvant tomber sous le coup de l’abus de droit. Ou tout du moins comme il en est le cas dans l'exemple précisément présenté par l’administration...
Selon Laurent Ragot, avocat chez Olswang, « cette liste ne changera rien » ou aura « un impact très faible », contrairement à la cellule de régularisation des avoirs non déclarés à l’étranger - qui a conduit à de nombreuses demandes de régularisations. En la matière, les contribuables étaient souvent « dans une situation de fait héritée » d’un ascendant par exemple, et qu’ils souhaitaient régulariser, explique-t-il. Ce qui est bien différent de cette nouvelle liste. Elle se réfère à « des cas tellement frauduleux que le contribuable qui les a mis en œuvre n’aura aucun intérêt à se dénoncer au fisc ». Quant à celui qui, au contraire, s’estime « dans son bon droit », il n’aura aucune raison de se rapprocher de l’administration…
En effet, hors « liste noire » de cas qui apparaissent, de toute évidence, comme frauduleux ou abusifs - comme les cas d’utilisation abusive d’un PEA relevés par l’administration, par exemple - une seconde d’un ton plus « gris » se dessine. Laurent Ragot pense alors au management package qui ne sont pas nécessairement abusifs nous explique-t-il, et à d’autres sujets mis en exergue par l’administration dans ses 17 exemples, pouvant aboutir - ou non - à un abus de droit ou à une fraude fiscale, en fonction des circonstances propres de chaque cas. Il le regrette : « L’administration fiscale va partir avec un a priori sur ces sujets qui ne sont pas frauduleux dans tous les cas ». Enfin, d’autres exemples sont donnés, sur les prix de transferts ou l’abus de conventions fiscales, et sur lesquels des discussions sont en cours au niveau international dans le cadre des travaux de l’OCDE ou de l’UE. « Prendre une position extrêmement rigoriste en qualifiant en amont ces différents sujets d’abusifs, c’est un peu biaiser le débat », analyse-t-il.
| Création du comité consultatif du CIR |
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| En parallèle des 17 exemples dévoilés, Michel Sapin et Christian Eckert ont annoncé la mise en place, par voie législative d'un comité consultatif du Crédit impôt recherche (CIR). « Il s’agit de disposer d’une instance de conciliation intervenant avant la fin d’un contrôle fiscal, sur les désaccords portant sur la réalité de l’affectation à la recherche ou à l’innovation des dépenses prises en compte pour la détermination du crédit d’impôt recherche (y compris crédit impôt innovation) notifiés dans le cadre d’une procédure con-tradictoire. Il pourra être saisi par l’administration comme par les contribuables », a précisé Bercy. |