Quelle valeur ajoutée peuvent apporter les outils digitaux, les bases de données et plus loin, l’intelligence artificielle, dans la gestion des conflits ? C’est sur fond de cette épineuse question que la société Eight Advisory a mené en début d’année, une étude auprès de 75 directeurs juridiques, afin d’y voir plus clair dans leurs pratiques numériques et leurs attentes.
Premier constat : 61 % des sondés reconnaissent avoir déjà rencontré un contentieux qu’ils auraient pu éviter grâce à une gestion plus optimale de l’information. Céline Leroy, expert judiciaire, associée litigation & forensic chez Eight Advisory explique : « 52 % des directeurs juridiques ont initié un projet, ou sont en phase de réflexion, quant à un meilleur équipement informatique lié à la gestion du contentieux. Sans surprise, leurs outils actuels ont trait, à l’écrasante majorité, à l’archivage ou à la gestion des données, ou bien à la production de contrats ». Mais les outils d’aide à la décision restent minoritaires dans la profession, et seuls 33 % ont un projet d’équipement ou bénéficient réellement d’un outil de ce type dans le cadre de la gestion du contentieux. Plutôt sages, les directeurs juridiques reconnaissent à 57 % avoir la quantité d’informations suffisantes pour le traitement des litiges, tandis que 33 % font face à un manque d’infos et que 11 %, à l’inverse, pâtissent d’un excès d’informations qui entraîne alors un problème de qualification des données.
Et quand on leur parle de Big Data, les directeurs juridiques sont 57 % à estimer que celui-ci pourrait les aider dans la gestion des ruptures abusives de contrat, ou encore dans le traitement de la concurrence déloyale (53 %), de la propriété intellectuelle (51 %), de la concurrence ou encore des actions de groupe (45 et 43 % respectivement). En bas de l’échelle, le recours au Big Data n’est jugé utile qu’à 22 % dans le cas des contentieux prudhommaux, et à 19 % dans le cas des contentieux sur les entreprises en difficulté. Le Big Data étant perçu comme un moyen de recueillir et d’analyser une information très large.
Interrogés sur l’impact du digital sur le volume des contentieux, les sondés estiment à 58 % qu’il facilite les actions de groupe, voire même qu’il incite au contentieux (à 39 %), tandis que 37 % des sondés estiment qu’il facilite la procédure contentieuse et 30 % qu’il réduit les coûts. Les auteurs de l’enquête font notamment référence dans ce chapitre aux legal tech, qui se sont multipliées ces derniers mois et tendent à changer la pratique du métier des juristes. Enfin, un recours massif au digital et au traitement des données n’est pas sans inquiéter la profession du droit : si les outils informatiques permettent de centraliser l’information en un seul point, les détenteurs de données s’exposent à de nouveaux risques, comme l’attaque de hackeurs, ainsi que des risques vis-à-vis d’une autorité de contrôle, comme par exemple l’Autorité de la concurrence. S’ils avaient le choix entre une meilleure information grâce au digital et la nécessité de se protéger d’une éventuelle action d’une autorité de contrôle, les sondés opteraient pour la deuxième solution. Le risque reste l’ennemi des directeurs juridiques.